Fièvre et Climat, le cerveau dans tous ses états

Comme beaucoup de monde, environ 3 milliards de personnes sur Terre, je suis confiné chez moi. Je porte un jogging et j’écris actuellement cet article depuis ma chambre de 10m² que je n’ai plus quitté ces 2 dernières semaines (sauf pour remplir mes stocks de chocolat qui disparaissent beaucoup trop rapidement). En effet, un petit virus, d’environ 125 nm, et nommé par les scientifiques le SARS-CoV2, a réussi à mettre à genoux les États du monde entier, du cousin chinois au cousin américain, en passant par nous autres petits États européens. Pourtant, ma maman me disait toujours qu’il ne fallait pas avoir peur de la petite bête, eh bien j’y repenserai à 2 fois maintenant !

Afin de répondre à la crise sanitaire, les gouvernements de tous les pays ont commencé à adopter de plus en plus de mesures exceptionnelles. Fermeture des magasins non essentiels, interdiction de rassemblements, restriction des déplacements, petit à petit nos libertés individuelles ont été limitées à leur strict minimum. Et cela sans que la population ne se rebelle contre ces mesures ! (et à juste titre, la distanciation sociale permettant d’aplatir la courbe de l’épidémie, afin que nos systèmes de santé ne soient pas saturés).
Avec la réduction drastique des déplacements et la diminution de l’activité industrielle, nous avons ainsi pu observer une baisse significative des émissions de CO2, environ 15 % en moyenne. La nature, en certains endroits, a même repris ses droits, avec l’absence des activités humaines.

Paris sous un confinement, mais les pigeons sont toujours là.
Paris sous un confinement, mais les pigeons sont toujours là.

Ainsi, un virus a réussi là où toutes les organisations écologiques ont échoué ces dernières années : faire agir les dirigeants et les populations au détriment de l’économie. Limitation des transports aériens et automobiles, réduction de la consommation à outrance, toutes ces mesures sont demandées depuis des années afin de réduire nos émissions polluantes. Et pourtant, le réchauffement climatique est un risque plus grave encore pour la planète et l’humanité. Désolé de mettre une mauvaise ambiance maintenant, mais voici quelques conséquences très probables du réchauffement climatique. Selon le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat), une augmentation de 2°C du climat mondial entraînerait une montée des eaux de près d’1m, une disparition de 99 % des récifs coralliens, l’Afrique deviendrait une terre pratiquement inhabitable… Alors pourquoi si peu d’actions sont réalisées dans ce sens ?

Comme souvent, la réponse se trouve dans notre cerveau et a un nom : le biais de normalité. Mais dis-moi Jamy, qu’est ce que le biais de normalité ? Il s’agit d’un biais cognitif nous laissant croire que les choses fonctionneront dans le futur comme elles fonctionnent aujourd’hui, en sous-estimant la probabilité d’un évènement et de ses conséquences d’avoir lieu. Ainsi une personne, ne percevant pas le danger d’une action continuera d’agir en faisant fi des possibles conséquences négatives qu’elle implique. Un exemple très parlant est la cigarette (coucou à mes amis fumeurs, ne le prenez pas personnellement!). En effet, il a été plus d’une fois démontré que la cigarette était mauvaise pour la santé. Pourtant les gens continuent de fumer, car la cigarette leur permet de se détendre, de réduire un stress ou de calmer une anxiété. Une raison à cela vient du fait que les risques liées à une consommation régulière de tabac sont à long terme. Une cigarette suffit à procurer du plaisir instantanément, alors qu’un cancer n’apparaît qu’après avoir passé plusieurs années (parfois même plusieurs dizaines d’années) à fumer régulièrement. Ainsi, si fumer une cigarette aujourd’hui augmentait de 50 % la probabilité d’avoir un cancer des poumons la semaine prochaine, plus personne ne fumerait aujourd’hui, vous pouvez être sûrs de cela. Et c’est un effet similaire que l’on retrouve pour le climat.

Notre société étant une société du confort et de la consommation, sommes-nous prêts aujourd’hui à remettre en cause ce confort au nom du climat ? Pour reprendre la comparaison avec la cigarette (après j’arrête, promis), fumer nous procure un plaisir instantané, contre le risque de cancer à long terme. Pour le climat, agir revient à remettre en cause une certaine idée du confort. Adieu les vacances au Soleil sur les plages des Antilles. Adieu l’achat du dernier iPhone 20. Adieu le Triple BigMac Cheese Bacon toutes les semaines. Et je dois bien l’avouer moi-même, c’est parfois très compliqué (en particulier la petite plage de sable fin sous les palmiers) !

Ainsi, dans le cas du Covid-19, le danger est immédiat, les effets très néfastes, et les conséquences déjà visibles. Et pourtant, même si le danger n’est pas immédiat, les effets du réchauffement climatique seront très néfastes, et les conséquences commencent déjà à être visibles. N’oublions pas qu’il y a 2 mois à peine, l’Australie brûlait littéralement, et encore ceci n’est que l’arbre qui cache la forêt (j’irai en enfer pour ce jeu de mot je sais). Alors c’est aujourd’hui que nous devons agir pour le climat. Car les gaz à effet de serre, c’est-à-dire ceux responsables du réchauffement climatique, comme le CO2 ou le méthane, mettent beaucoup de temps avant même de commencer à être évacués hors de l’atmosphère, de l’ordre du siècle pour le CO2. Cela signifie que l’augmentation actuelle des températures n’est pas seulement liée au CO2 que l’on rejette aujourd’hui, mais également au CO2 que rejetait ton arrière-grand-père Ferdinand dans son réchaud en 1910. Et ainsi une réduction des émissions n’aura pas d’effet direct visible sur le climat, très probablement même que nous n’en verrons pas les résultats, ni même ton petit neveu que tu adores.

Graphe présentant le forçage radiatif résiduel (différence entre énergie reçue et énergie émise par m²) pour 1 million de tonnes de gaz. Ainsi, plus la valeur de ce forçage est élevé, plus l’effet de serre est important). Ainsi après 100 ans, le CO2 n’a pas perdu de son effet, et certains produits comme le CF4 (utilisé comme réfrigérant) et le SF6 (installations électriques) n’amorcent aucune baisse après un millénaire!
(Source: https://jancovici.com/changement-climatique/gaz-a-effet-de-serre-et-cycle-du-carbone/quels-sont-les-gaz-a-effet-de-serre-quels-sont-leurs-contribution-a-leffet-de-serre/ )

Cela passe donc par une modification de notre système de pensée. D’ailleurs, d’autres biais cognitifs nous empêchent d’agir pour le climat, dont les suivants :

– la diffusion de responsabilité : « Pourquoi ce serait à moi de lancer cette idée de compost collectif pour nos déchets ? Mon voisin peut très bien le faire. » Ce biais pousse les personnes à repousser la responsabilité de l’action à faire aux autres personnes concernées afin de ne pas agir. Plus il y a de personnes en jeu, plus ce biais est fort. Sachant qu’ici 7 milliards de personnes sont en jeu, nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

– le biais de conformisme : « Pourquoi devrais-je prendre mon vélo sous la pluie pour aller au travail, quand mes voisins prennent leur voiture ? » Avec ce biais, notre comportement nous pousse à suivre la norme sociale, c’est-à-dire celle dictée par la société et par les autres. Or la société nous pousse à acheter des voitures et à manger de la viande tous les jours, alors c’est plutôt mal parti.

– la dissonance cognitive : C’est lorsque nous sentons qu’un danger climatique approche, mais que cela entre en contradiction avec nos habitudes. Face à cette incohérence entre la pensée et l’acte, la personne rejette tout en bloc.

Avec tous ces pièges au changement présentés ci-dessus, et qui ne se trouvent pas plus loin que sous notre crâne, il faut bien croire que notre cerveau est donc construit pour être un bon climatosceptique façon Donald Trump, merci pour la comparaison !

Ainsi, changer ses habitudes est quelque chose de difficile, et je dirais même une lutte quotidienne. Mais au final, en modifiant une habitude, puis une autre, puis une autre etc… nous pouvons très fortement réduire notre impact sur la planète. Je vous conseille d’ailleurs d’effectuer le test suivant et de calculer votre empreinte carbone, pour mesurer combien de Terres seraient nécessaires pour assurer votre train de vie, et si vous le voulez, à en partager le résultat en commentaire (celui de la WWF : https://www.wwf.ch/fr/vie-durable/calculateur-d-empreinte-ecologique ). Ce type de chiffres très parlant est souvent utile pour provoquer une prise de conscience. Il donne également quelques astuces pour commencer dès maintenant à réduire son impact, et adopter un nouveau mode de vide, plus durable.

Si vous voulez vous renseigner un peu plus sur le sujet, je vous conseille cet excellent podcast Vlan, présenté par Grégory Pouy, et en particulier l’épisode « Pourquoi la culpabilisation écologique ne fonctionne pas ? » avec Albert Moukheiber, docteur en neuroscience et psychologue : https://www.youtube.com/watch?v=gmpdyM_xX7k. Ainsi que l’article d’Emilie Massemin chez Reporterre « Pourquoi le drame écologique mobilise-t-il si peu? » : https://reporterre.net/Pourquoi-le-drame-ecologique-mobilise-t-il-si-peu.

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